Un homme de science, d'action et de pouvoir.
Émile Waxweiler (1867-1916) est une figure relativement méconnue de l’histoire de l’ULB du début du XXe siècle.
Né à Malines le 22 mai 1867, Émile Waxweiler est le fils d’un professeur de mathématiques qui deviendra le préfet de l’Athénée royal de la cité. Encouragé par son père, il effectue des études d’ingénieur civil, section ponts et chaussées, à l’École du Génie civil de Gand. Il s’intéresse par ailleurs déjà aux questions sociales et il participe, en 1891, au Congrès universitaire libéral de Gand. Il fonde également un Cercle d’Études Sociales qui deviendra plus tard la Société libérale pour l’étude des sciences et des œuvres sociales. Émile Waxweiler s’inscrit, de manière générale, dans le courant de pensée des « libéraux progressistes ».
Fraîchement diplômé, Émile Waxweiler est lauréat du concours des bourses de voyage et se rend aux États-Unis en 1893. Il visite, notamment, l’Exposition universelle de Chicago. Cette expérience de voyage, peu courante pour l’époque, lui permet d’élargir sa formation initiale et de s’ouvrir à des domaines de recherche émergents et à des questions scientifiques nouvelles. Il noue des liens intellectuels avec les universités américaines dont l’approche se différencie du modèle allemand : cette autre approche méthodologique influencera considérablement sa pensée. Waxweiler va mettre ses connaissances mathématiques, et plus particulièrement dans le domaine de la statistique, au service des sciences humaines : par exemple, il publie en 1895 un ouvrage où il étudie la question des hauts salaires aux États-Unis. (1)
Rentré en Europe, il rejoint l’administration communale de Gand où ses compétences sont remarquées et lui font poursuivre sa carrière dans le nouveau ministère de l’Industrie et du Travail.
Quelles sont les raisons qui ont poussé le roi Léopold II à créer ce ministère en 1895 ? La Belgique de la fin du XIXe siècle connaît une succession de crises sociales et industrielles, qui se traduisent par des conflits entre travailleurs et forces de l’ordre. Ces conflits trouvent leurs racines dans les conditions de travail exécrables faites aux ouvriers industriels mais aussi dans les conditions de vie du peuple. Ceci vaut encore pour le monde agricole, où sévit une crise grave depuis le milieu des années 1870.
Les conflits sociaux de 1886 sont particulièrement dramatiques. Ils mobilisent les ouvriers de la région de Liège et de Charleroi touchés par la crise économique. Des innovations au niveau des modalités de production de différents secteurs, dont celui du verre à Charleroi, ont réduit le besoin de main-d’œuvre et font pression à la baisse sur les salaires. Tandis que les conditions de travail sont pénibles pour la classe ouvrière (journées de 10 à 12 heures, un seul jour de repos hebdomadaire, salaires très bas, travail des enfants…), l’absence de travail et de tout revenu de substitution conduit à la misère noire. Les ouvriers verriers, les mineurs et les sidérurgistes des grands bassins industriels se mettent en grève. Les affrontements sont violents, les ouvriers désespérés mettent à sac et incendient des usines. L’armée et la gendarmerie tirent dans la foule, le bilan s’élève à plus de vingt morts, dont douze pour la seule fusillade de Roux du 27 mars.
Dans la Belgique d’alors, la législation favorise la liberté d’entreprendre au détriment de la protection des ouvriers, enfants, femmes et hommes. Au lendemain des émeutes, la justice poursuit le travail de répression et écrase les responsables, au premier rang desquels les syndicalistes des unions ouvrières. Le changement est cependant en marche, sous l’impulsion notamment du jeune Parti Ouvrier Belge (ancêtre du Parti Socialiste), fondé en 1884, et des premières associations ouvrières telles l’Union verrière, fondée en 1882, ou l’Union des mineurs, fondée en 1885. Les ténors du mouvement socialiste tels, notamment, Jules Destrée et Paul Pasturà Charleroi ou Émile de Laveleyeà Liège vont agir pour sensibiliser l’opinion publique et le milieu parlementaire.
La « Commission du travail » ou « Comité chargé de s’enquérir de la situation du travail industriel dans le royaume et d’étudier les mesures qui pourraient l’améliorer » va procéder pendant quinze mois à une analyse approfondie de la situation du monde du travail en Belgique par le biais d’une enquête écrite et orale. C’est la première fois dans l’histoire du royaume qu’une telle procédure est menée afin que les pouvoirs publics puissent disposer d’une image fiable de la situation industrielle et ouvrière. À l’issue de l’enquête, ce ne sont pas moins de 10 000 pages qui sont publiées. Parallèlement, le gouvernement mène une enquête, via la Commission du Travail, sur le monde agricole. (2)
À la tête de l’État belge, le roi Léopold II se prononce dès le 9 novembre 1886 en faveur de réformes significatives de l’organisation et de la réglementation du travail, et notamment la hausse des salaires, l’encadrement et la limitation du travail des femmes et des enfants, mais aussi la liberté d’association pour les ouvriers.
Les premières lois sociales sont promulguées en 1887. Elles consacrent le rôle de l’État comme régulateur des relations de travail et garant d’une protection des plus faibles.
Or, les événements de 1886 représentent une menace pour l’ensemble du patronat soucieux de maintenir la paix sociale, dans la perspective du développement industriel. Des personnalités éminentes issues de ce monde, dont Ernest Solvay, sont inquiètes du mécontentement qui secoue le monde ouvrier. Ernest Solvay est influencé dans ses conceptions par les sciences biologiques. Il se représente la société comme un organisme vivant souffrant d’une maladie qu’il convient de traiter. Pour cela, il propose plusieurs « remèdes » sous la forme d’une doctrine sociale : le productivisme. Cette doctrine, postule que la société, organisme vivant complexe, est en perpétuelle évolution. Pour se développer, cet organisme doit pouvoir mobiliser ses capacités productives et les multiplier dans le but d’optimaliser sa production. Dans cette optique, il est nécessaire d’améliorer les conditions de vie des salariés. Les trois axes principaux de développement de la politique publique pour lesquels Solvay estime qu’il est capital d’intervenir sont : l’instruction, via la création d’écoles et d’instituts ; l’alimentation, domaine où physiologie et biologie rejoignent les conceptions productivistes ; et enfin le logement, lutte contre les taudis et l’insalubrité. (3)
C’est dans cette conjoncture qu’Émile Waxweiler entre au service du nouveau ministère de l’Industrie et du Travail. Il se voit confier des missions internationales en Suisse et en Allemagne où il étudie la législation du travail et il publie à ce propos, en 1896, un premier rapport de synthèse. Ensuite, il prend une part très significative dans la bonne exécution du recensement industriel de 1896 qui se présente comme une étude statistique administrative approfondie. Cet investissement personnel dans le domaine des études quantitatives lui permet de devenir membre de l’Institut international de statistique en 1899.
Aux alentours de 1894, Waxweiler entre en relation avec l’entourage du futur roi Albert, pendant les années de formation de ce dernier, via le secrétaire du prince, Jules Ingenbleek qui suit les cours de Waxweiler à l’Institut de Sociologie et en fait rapport au palais. (4)
Si ce premier contact a laissé relativement peu de traces, les relations entre le souverain et le scientifique vont se maintenir et se développer au fil du temps. Waxweiler représente pour Albert une ouverture vers le courant libéral, dans une période où le parti catholique est au pouvoir de manière ininterrompue. (5) Comme en témoigne la correspondance manuscrite avec le jeune roi, celui-ci consulte le scientifique à plusieurs occasions. Le roi relate dans son journal ses entrevues avec Waxweiler avec qui il entreprend également des voyages. Ce dernier devient, au fil du temps, « l’homme de confiance et d’influence » du roi pour un certain nombre de questions politiques et économiques, mais aussi sociales, voire diplomatiques durant la guerre. (6)
Dans le monde académique, Waxweiler est également remarqué pour ses qualités personnelles et scientifiques. Il devient chargé de cours en 1897 à l’École des sciences politiques et sociales de l’Université libre de Bruxelles, réorganisée avec le soutien financier d’Ernest Solvay. Waxweiler dispense les enseignements de statistique, finance, régime économique du travail et dans un deuxième temps d’économie politique.
C’est en 1900 qu’Emile Waxweiler fait la rencontre d’Ernest Solvay via leur ami commun Paul Hymans. Le riche industriel et généreux philanthrope siège au conseil d’administration de l’ULB depuis 1891 et est sénateur libéral depuis 1892. Il décide de financer la création d’un Institut de sociologie dont il confie la direction à Émile Waxweiler. Ce dernier démissionne de son poste au ministère tant le projet qui vient de lui être confié est novateur et ambitieux. (7)
À la fin du XIXe siècle, la ville de Bruxelles accorde à l’ULB la jouissance de terrains situés au parc Léopold (à Etterbeek) afin d’y établir une « Cité de la Science ». En étroite collaboration avec le Dr Paul Héger, vice-président de l’ULB et grâce à l’aide de mécènes privés tels Ernest Solvay, le Baron Léon Lambert ou Raoul Warocqué, cinq bâtiments nouveaux sont alors érigés, ils abriteront les Instituts de physiologie, d’hygiène, d’anatomie et de sociologie ainsi que l’École de commerce (concept nouveau). L’ensemble de ces Instituts constitue la « cité scientifique » dont l’objectif est de faire référence en se positionnant à la pointe du savoir dans leur domaine respectif.
Bâtiment financé par Solvay au parc Léopold - Collection Archives de l'ULB |
À cette époque, l’ULB est à l’étroit dans ses installations de la rue des Sols et, comme elle ne bénéficie pas de la personnalité juridique, elle ne peut engager des travaux ou acquérir des terrains en son nom. La Ville de Bruxelles lui sert de donc de caution et d’intermédiaire.
Bâtiments de l'Institut d'Anatomie au parc Léopold financé par Raoul Warocqué - Collection Archives de l'ULB |
Personnalité dynamique à l’esprit fertile, Émile Waxweiler entreprend de dresser les plans du nouveau bâtiment et assure personnellement le suivi des travaux qui vont bon train. L’Institut est inauguré le 16 novembre 1902. Waxweiler va entreprendre d’en délimiter le champ d’étude par une description méthodique des questions qu’il souhaite voir traitées.
Bâtiment de l'Institut de Sociologie au parc Léopold - Collection Archives de l'ULB |
En 1904, ce sera le tour de l’École de commerce, projet cher à Solvay qui sera lui aussi mené à bien puis dirigé par Waxweiler. Dans l’esprit qui préside à sa fondation, ce nouveau type d’établissement universitaire se destine à former des Ingénieurs commerciaux, une appellation nouvelle pour une élite destinée à la direction et à la gestion des affaires dans une Belgique alors au sommet de son expansion industrielle. C’est sur base du modèle qui se développe en Angleterre et en Allemagne, mais surtout aux États-Unis qu’est fondé ce nouveau type d’enseignement appelé à un développement prometteur. Waxweiler, de par l’expérience formative de son voyage outre-Atlantique, assure le relais des idées nouvelles mises en place dans le monde industriel américain et enseignées dans leurs universités. (8)
Waxweiler, qui devient professeur extraordinaire en 1900, et enfin professeur ordinaire en 1906, consacre les premières années du siècle à la rédaction d’un ouvrage de référence à savoir son Esquisse d’une sociologie qui paraît en 1906.
Dans ce livre, dont le style et l’approche sont rébarbatifs pour le lecteur actuel, il développe une approche radicale de la sociologie et propose une vision de la jeune discipline scientifique en rupture avec ses prédécesseurs. Il faut dire qu’au tournant du siècle, la sociologie n’est pas vue d’un bon œil et doit encore faire ses preuves. Ainsi le recteur de l’ULB s’exprime dans son discours de rentrée en 1890 contre le financement de cette science qu’il estime « mal déterminée » et pour laquelle certains souhaitaient créer une chaire nouvelle. (9)
Dépassant les frilosités d’un certain milieu académique, Waxweiler est convaincu de l’intérêt des innovations qu’il défend. Désormais, il convient à ses yeux d’étudier l’individu en tant que composant de la société humaine. Pour cela, il faut travailler et accumuler les cas concrets, étudier sur le terrain les interactions entre les individus et leur milieu, puis tenter de démêler l’écheveau des phénomènes sociaux dont il faut pouvoir rendre compte par des explications cohérentes et « fonctionnelles ». Sur l’exemple de la biologie, c’est à une forme d’étude du comportement social à la fois descriptive et quantitative qu’il aboutit, ce qu’il appelle une « physiologie externe » de la société.
C’est véritablement au positionnement de la sociologie comme discipline dans le champ des sciences universitaires de son temps que s’emploie Waxweiler. Cet ouvrage programmatique constitue la base de ce qui allait devenir « l’école de sociologie de Bruxelles ».
Or, pour faire école, il faut une approche méthodologique originale, des collaborateurs pour mener à bien les travaux sur le terrain et des disciples qui pérennisent l’esprit pour les poursuivre en de nouveaux développements.
Dès le départ, Émile Waxweiler met l’accent sur les publications de l’institut et il lance ainsi plusieurs séries imprimées intitulées : Notes et Mémoires, Études sociales, Actualités sociales. L’organisation du fonctionnement de l’Institut repose en effet d’une part sur le développement de la recherche et d’autre part sur l’accumulation de données et de documentation écrite. (10) La bibliothèque constitue le cœur de l’Institut. La salle de lecture avec ses quatre cabinets d’études et ses groupes de travail spécialisés devient un véritable laboratoire de recherche, lieu confortable et propice à mener un travail intellectuel dans les meilleures conditions avec toute la rigueur scientifique voulue, loin des querelles partisanes qui déchirent la société.
Poste de travail individuel dans la bibliothèque de l'Institut de Sociologie au parc Léopold - Collection Archives de l'ULB |
Grande salle de lecture de la bibliothèque de l'Institut de Sociologie au parc Léopold - Collection Archives de l'ULB |
Incontestablement, Émile Waxweiler s’installe dans la position de chef de file. Entre les réunions liées aux publications et à la gestion des collections, il anime également des réunions de travail avec des collègues belges ou étrangers ainsi que des étudiants, donne des cours et des conférences et publie des études personnelles sur divers sujets. Le directeur de l’Institut de sociologie est également un chercheur et un enseignant avec des méthodes spécifiques et une vision personnelle de ce que doit être l’université. Il expose ses conceptions personnelles dans un discours en 1910, à l’occasion de l’Exposition universelle qui se tient sur le plateau du Solbosch. (11)
Dans le contexte du début du XXe siècle, Waxweiler souhaite un enseignement qui soit débarrassé des cours ex cathedra et de la rigidité des programmes par discipline. Selon sa vision des choses, le cursus académique pourrait être personnalisé en fonction des buts poursuivis par chaque étudiant tout en tenant compte de la variabilité des aptitudes individuelles. Dans cette approche, un seul tronc commun subsiste, constitué de mathématiques et d’éducation physique ! De plus, les examens seraient abandonnés au profit d’une évaluation continue par les enseignants.
Cette vision pédagogique, très originale pour l’époque au sein de l’Université est contemporaine de celle d’un Ovide Decroly. Ce médecin et pédagogue, proche de Waxweiler, fréquente l’Institut de Sociologie. (12) Il organise d’ailleurs, avec d’autres membres du groupe de « la sociologie de l’enfant » de l’Institut, le Premier Congrès international de pédagogie en 1911.
Rappelons-nous qu’on est à l’époque loin d’une université « de masse ». L’ULB avant la Première Guerre compte plus de 1 350 étudiants. Ce chiffre passe à 2432 étudiants en 1919.
Waxweiler nourrit aussi ses réflexions à d’autres sources : par exemple, en novembre 1902, âgé de 35 ans, et tandis que sa carrière est en plein essor, il est initié à la prestigieuse loge bruxelloise des « Amis Philanthropes n° 2 ». Il y accède à la maîtrise en 1908. (13)
Pour lui, il importe d’aller autant que possible au contact de ses sujets d’étude dans les usines et dans les campagnes et d’en ramener des photographies. Il s’oppose en cela aux théoriciens de l’époque.
Il aura d’ailleurs l’occasion de travailler avec des photographes de talent, dont le Liégeois Gustave Marissiaux qui a livré à la postérité des clichés d’une grande qualité sur le monde industriel. (14)
En tant qu’enseignant, Émile Waxweiler est un fervent adepte de la projection lumineuse. Il illustre tous ses cours avec des diapositives sur des plaques de verre dont un grand nombre sont encore conservées aux Archives de l’ULB.
Fidèle à son approche pédagogique, Waxweiler fonde en 1912 la « Semaine sociale universitaire ». Cette initiative novatrice connaîtra deux éditions avant que n’éclate la Première Guerre mondiale. L’idée que poursuit le fondateur de ce nouveau type de réunion est de mettre les participants en contact direct avec la réalité observée. C’est ainsi qu’ils sont amenés à vivre en commun durant une semaine et à visiter institutions et entreprises.
Fait remarquable, cette semaine s’adresse à tous les étudiants de toutes les universités du pays. Les thèmes traités durant ces journées sont centrés sur des questions sociales qui présentent un caractère d’actualité ou d’intérêt national. On peut en voir la modernité : ainsi, en 1912, les sujets suivants sont retenus : la question des langues en Belgique ; la nécessité d’une haute éducation technique et économique pour l’ouvrier belge ; la psychologie des partis politiques dans les démocraties.
En 1913, la Semaine sociale portera sur « l’évolution des associations professionnelles et des institutions publiques ».
Lorsque la guerre survient, Émile Waxweiler quitte la Belgique avec le gouvernement en exil et s’installe au Havre. Il se met immédiatement au travail : d’abord autour des questions urgentes d’organisation notamment les soins de santé. Bientôt cependant, sa contribution prend d’autres dimensions : sa mission est de combattre l’argumentaire de la propagande allemande pour défendre la cause de la Belgique. Dès novembre 1914, Waxweiler se rend en Suisse où il restera jusqu’en mars 1915. Il est en « mission officieuse de relations publiques » pour le compte du gouvernement et tente notamment d’influencer l’opinion publique alémanique favorable aux vues allemandes par le biais de conférences ou de rencontres privées. Fidèle à sa rigueur scientifique, c’est à une véritable enquête d’opinion qu’il se livre durant ce séjour en notant soigneusement la variation des sympathies à l’égard de la Belgique, variables selon les régions linguistiques, rendant complexes les relations entre les deux pays. (16)
De retour en Belgique, il publie en 1915 La Belgique neutre et loyale, premier effort de contre-propagande. Cet ouvrage est suivi d’un second en 1916 : Le procès de la neutralité belge. (17)
À partir du mois de juin 1916, les alliés se concertent, à Londres, sur l’avenir des politiques commerciales une fois la paix retrouvée et Waxweiler est de nouveau en mission sur ces questions importantes.
Le 27 juin 1916, Émile Waxweiler est victime d’un banal accident de circulation. Renversé par un camion dans une rue de Londres, Émile Waxweiler décède à l’âge de 49 ans. Cette disparition soudaine laisse un grand vide parmi ses proches, ses collègues et tous les milieux qu’il a fréquentés. Émile Vandervelde, ministre du gouvernement en exil, s’en ouvre à Ernest Solvay dans une lettre confidentielle datée du 20 juillet 1916 : « La mort de Waxweiler a été pour notre pays une perte désastreuse. Il avait sur notre politique économique d’après-guerre, des conceptions profondément justes et avait pris sur des hommes qui ne présentaient pas les mêmes garanties de jugement et de pondération, une influence éminemment salutaire. Je me demande avec inquiétude comment cette influence sera remplacée. »
Lettre d'Emile Vandervelde à Ernest Solvay datée du 20/07/1916- Collection Archives de l'ULB document intégral accessible ici |
La paix une fois revenue, disciples et successeurs se sont employés à faire prospérer l’Institut de sociologie et l’École de Commerce, deux institutions qui doivent beaucoup à Émile Waxweiler et dont la réputation n’est plus à faire aujourd’hui.
Pour en savoir plus :
(1) Émile Waxweiler, Les hauts salaires aux Etats-Unis. Paris, Bibliothèque Gilon, 1895.
Jean –Philippe Schreiber, La commission du travail et l’amorce de la législation sociale. In - D. Pector & J.-P. Schreiber (Eds.), 1886, La révolte des damnés de la terre : le soulèvement ouvrier de mars 1886 dans les pays de Liège et de Charleroi. Bruxelles-Charleroi : Le Progrès et Fondation Joseph Jacquemotte,1986, pp.55-57.
(3) Valérie Piette, Les semaines sociales (universitaires) de l'Institut de Sociologie, Bruxelles, In - Ginette Van Hentenrijk (Epse Kurgan) Laboratoires et réseaux de diffusion des idées en Belgique, (XIX-XXe siècle), Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, 1994, pp.77-94. et plus particulièrement ici page 82-83.
et
Semaine sociale de L’Institut de sociologie Solvay, 6-11 octobre 1913. Bruxelles, Weissenbruch, 1913.
(4) Robert Wellens et Maurits Wynants, La Belgique et ses rois. Bruxelles, A.G.R., 1990, p. 76
Jules Ingenbleek (18976-1953) ce limbourgeois, secrétaire du prince Albert, d'abord fonctionnaire il deviendra également un homme politique libéral. Licencié en sciences sociales et politiques en 1907, il présente en 1908 une thèse de doctorat à l’ULB.
Voir à ce sujet : Emile Vandewoude, Jules Ingenbleek, secretaris van de koning (1900-1918). In - Revue belge de philologie et d’histoire, tome 55, fasc. 2, 1977. Histoire (depuis l’Antiquité) — Geschiedenis (sedert de Oudheid), pp. 484-508
Jules Ingenbleek (18976-1953) ce limbourgeois, secrétaire du prince Albert, d'abord fonctionnaire il deviendra également un homme politique libéral. Licencié en sciences sociales et politiques en 1907, il présente en 1908 une thèse de doctorat à l’ULB.
Voir à ce sujet : Emile Vandewoude, Jules Ingenbleek, secretaris van de koning (1900-1918). In - Revue belge de philologie et d’histoire, tome 55, fasc. 2, 1977. Histoire (depuis l’Antiquité) — Geschiedenis (sedert de Oudheid), pp. 484-508
(5) Jean-François Crombois, L’univers de la sociologie en Belgique de 1900 à 1940. Bruxelles, Éditions de l’ULB, 1994, p.42.
(6) Luc Schepens, Albert Ier et le gouvernement Brocqueville, 1914-1914. Aux origines de la question communautaire. Paris-Gembloux, Éd. Duculot, 1983, p 26 et p. 70.
Voir aussi : Jean-François Crombois, op. cit., pp. 34-35.
(7) Jean-François Crombois, op. cit., p. 27.
Daniel Warnotte, Ernest Solvay et l’Institut de sociologie. Contribution à l’histoire de l’énergétique sociale. Bruxelles, Éditions Bruylant, 1946.
Andrée Despy-Meyer et Didier Devriese, Ernest Solvay et son temp. Bruxelles, Archives de l’ULB, 1997.
Et plus généralement sur les rapports en science et mécénat on se rapportera utilement à la page de la digithèque de l'ULB consacrée à ces questions, via ce lien
Daniel Warnotte, Ernest Solvay et l’Institut de sociologie. Contribution à l’histoire de l’énergétique sociale. Bruxelles, Éditions Bruylant, 1946.
Andrée Despy-Meyer et Didier Devriese, Ernest Solvay et son temp. Bruxelles, Archives de l’ULB, 1997.
Et plus généralement sur les rapports en science et mécénat on se rapportera utilement à la page de la digithèque de l'ULB consacrée à ces questions, via ce lien
Ernest Solvay a reçu le titre de Docteur Honoris Causa de l'ULB en 1898.
(8) Emile Waxweiler, La concurrence américaine et le rôle de l’ingénieur commercial, In- Revue Economique Internationale, t.1, 1904, pp.599-638.
Voir aussi : Didier Devriese & Kim Oosterlinck, (2003). Les ingénieurs commerciaux dans la cité. In - M. Constas, D. Devriese, & K. Oosterlinck (Eds.), Solvay Business School 1903-2003, Bruxelles, 2003, pp. 113-149.
(9) Jean-François Crombois, op. cit., p.31.
Emile Waxweiler, Esquisse d’une sociologie. Bruxelles, Misch & Thron, 1906.
Emile Waxweiler, Esquisse d’une sociologie. Bruxelles, Misch & Thron, 1906.
(10) Jean-François Crombois, op. cit., p.35.
(11) Waxweiler, Émile, L’université de demain : Conférence faite à l’Exposition Internationale de Bruxelles, Le 13 juillet 1910. Paris, Librairie générale de droit & de jurisprudence, 1910.
Emile Waxweiler, A quoi doit servir et comment faut-il organiser l'enseignement des sciences sociales et particulièrement dans les université belges? In - Congrès Intentional de l’Enseignement des Sciences Scociales. Paris, Felix Alcan, 1900.
Dans un article de la Revue de L’Université de Bruxelles paru en 1903, il présente les spécificités de l’enseignement universitaire commercial à Bruxelles. Revue de l'Université Libre de Bruxelles, 1903, pp. 623-26 .
Sur la place de l’éducation physique à l’École de Commerce de l’Université libre de Bruxelles, on peut trouver dans la même revue :
« Dans sa séance du 2 juin 1910, la commission administrative de l’École de commerce a définitivement arrêté l’organisation de ces exercices. Ils se font sous la direction de M. Querton, titulaire d’un cours, aidé de M. Dufey, diplômé de l’École d’éducation physique. lls comportent trois séances hebdomadaires, deux séances sont consacrées à la gymnastique, une séance à la natation. Ces exercices interviennent pour la moitié dans la cote d’examen du cours de Physiologie et d’Hygiène, dont le total atteint vingt points. » p.58
« Bientôt, l’Université disposera des organisations et des installations qui lui permettront d’accomplir intégralement sa mission en suivant notamment l’exemple des universités anglaises et américaines, qui, depuis longtemps, ont attaché à l’éducation physique des étudiants l’importance qu’elle mérite. » p.61.
Il faut noter que le prof. Querton se montre favorable aux théories eugéniques et parvient à convaincre Waxweiler de créer un groupe de travail au sein de l’Institut qui s’intéressera à ces théories de 1905 à 1914.
Sur cette question délicate, voir : Valérie Piette, op.cit., p. 83. et Jean-François Crombois, op.cit., p.71
Emile Waxweiler, A quoi doit servir et comment faut-il organiser l'enseignement des sciences sociales et particulièrement dans les université belges? In - Congrès Intentional de l’Enseignement des Sciences Scociales. Paris, Felix Alcan, 1900.
Dans un article de la Revue de L’Université de Bruxelles paru en 1903, il présente les spécificités de l’enseignement universitaire commercial à Bruxelles. Revue de l'Université Libre de Bruxelles, 1903, pp. 623-26 .
Sur la place de l’éducation physique à l’École de Commerce de l’Université libre de Bruxelles, on peut trouver dans la même revue :
« Dans sa séance du 2 juin 1910, la commission administrative de l’École de commerce a définitivement arrêté l’organisation de ces exercices. Ils se font sous la direction de M. Querton, titulaire d’un cours, aidé de M. Dufey, diplômé de l’École d’éducation physique. lls comportent trois séances hebdomadaires, deux séances sont consacrées à la gymnastique, une séance à la natation. Ces exercices interviennent pour la moitié dans la cote d’examen du cours de Physiologie et d’Hygiène, dont le total atteint vingt points. » p.58
« Bientôt, l’Université disposera des organisations et des installations qui lui permettront d’accomplir intégralement sa mission en suivant notamment l’exemple des universités anglaises et américaines, qui, depuis longtemps, ont attaché à l’éducation physique des étudiants l’importance qu’elle mérite. » p.61.
Il faut noter que le prof. Querton se montre favorable aux théories eugéniques et parvient à convaincre Waxweiler de créer un groupe de travail au sein de l’Institut qui s’intéressera à ces théories de 1905 à 1914.
Sur cette question délicate, voir : Valérie Piette, op.cit., p. 83. et Jean-François Crombois, op.cit., p.71
(12) Jean-François Crombois, op. cit., p.65.
(13) Lucy J. Peelaert, La représentation maçonnique dans les noms de rues de Bruxelles. Bruxelles, 1982, p. 433 - Il poursuivra durant son séjour à Londres les travaux des Belges en exil auprès de la Loge « Albert de Belgique ». La méthode maçonnique, essentiellement maïeutique, contribue probablement à développer une vision originale de l’enseignement.
Sur l'histoire de la Loge "les Amis Philanthropes N°2" voir la monographie : Histoire d'une Loge: Les Amis Philanthropes de 1876 à 1998, Bruxelles, 1999, pp.189 et suivantes.
Sur l'histoire de la Loge "les Amis Philanthropes N°2" voir la monographie : Histoire d'une Loge: Les Amis Philanthropes de 1876 à 1998, Bruxelles, 1999, pp.189 et suivantes.
Jean-Jacques Heirwegh, Les photographies du sociologue Waxweiler. BRUXELLES, publication du CEPULB, 1991.
Marc-Emmanuel Mélon, Paradoxe esthétique et ambiguïtés sociales d’un documentaire photographique : “La Houillère” de Gustave Marissiaux (1904-1905). In- Art & fact : Revue des historiens de l’art, des archéologues, des musicologues et des orientalistes de l’Université de Liège, 2011, n°30, pp. 146-156.
Marc-Emmanuel Mélon, Paradoxe esthétique et ambiguïtés sociales d’un documentaire photographique : “La Houillère” de Gustave Marissiaux (1904-1905). In- Art & fact : Revue des historiens de l’art, des archéologues, des musicologues et des orientalistes de l’Université de Liège, 2011, n°30, pp. 146-156.
(15) Sur la semaine universitaire voir: Valérie Piette, op.cit et en suivant le lien hypertexte on peut consulter l'annonce du programme de la première journée.
(16) Patrick Bondallaz, Entre propagande et action humanitaire : l’exemple des secours suisses en faveur des Belges. In – Relations internationales, 2014/3, n° 159, pp.17-33 et plus précisément pp.18-19.
Fin 1915, Waxweiler est chargé par le roi de négociations diplomatiques secrètes avec L’Allemagne via le comte Hans Toerring, beau-frère du roi, afin d’envisager les termes d’une paix séparée. Ces négociations secrètes, qui s’effectuent à l’insu du gouvernement, échouent en 1916.
Voir à ce sujet : Marie-Rose Thielemans et Emile Vandewoude, Le Roi Albert au travers de ses lettres inédites. Bruxelles, Office International de librairie, 1982, pp.119-123 et pp.611-616 (pour une reproduction des lettres échangées ou Waxweiler intervient dans la composition du texte écrit par le souverain.)
En 1915, le roi Albert envisage un temps de remanier son gouvernement et de confier le portefeuille de ministre l’Industrie et du Commerce à Waxweiler en raison de l’expertise de ce dernier liée aux études qu’il a menées sur le terrain avant-guerre . Voir à ce sujet : Thielemans et Vandewoude, Op.cit., pp. 589-590
Fin 1915, Waxweiler est chargé par le roi de négociations diplomatiques secrètes avec L’Allemagne via le comte Hans Toerring, beau-frère du roi, afin d’envisager les termes d’une paix séparée. Ces négociations secrètes, qui s’effectuent à l’insu du gouvernement, échouent en 1916.
Voir à ce sujet : Marie-Rose Thielemans et Emile Vandewoude, Le Roi Albert au travers de ses lettres inédites. Bruxelles, Office International de librairie, 1982, pp.119-123 et pp.611-616 (pour une reproduction des lettres échangées ou Waxweiler intervient dans la composition du texte écrit par le souverain.)
En 1915, le roi Albert envisage un temps de remanier son gouvernement et de confier le portefeuille de ministre l’Industrie et du Commerce à Waxweiler en raison de l’expertise de ce dernier liée aux études qu’il a menées sur le terrain avant-guerre . Voir à ce sujet : Thielemans et Vandewoude, Op.cit., pp. 589-590
(17) Emile Waxweiler, La Belgique neutre et loyale. Lausanne, Payot, 1915
Emile Waxweiler, Le procès de la neutralité belge. Lausanne, Payot, 1916.
Voir également :
- Pour en savoir plus sur la famille Warocqué :
Véronique Fillieux, Tenue de soirée de rigueur: Incursion chez les Warocqué. In - European Review of History: Revue Européenne d'Histoire, Vol.11:1, pp.33-54.
- Pour en savoir plus sur l'histoire de l'Institut de sociologie :
Jean-François Crombois, et al. L’Institut de sociologie Solvay : Histoire, Architecture, Restauration. Bruxelles, Institut de sociologie de L’ULB, 1994.
- Pour en savoir plus sur l'histoire du développement de l'ULB avant la Première guerre :
Eugène Goblet d’Alviella, l’Université de Bruxelles pendant son troisième quart de siècle, Bruxelles, M.Weissenbruch, 1909.
- Pour une étude sociologique et historique des réformes de l’enseignement et l'évolution des conceptions :
Anne Van Haecht , L’enseignement rénové, de l’origine à l’éclipse. Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1985.
- Pour en savoir plus sur l'histoire de l'Institut de sociologie :
Jean-François Crombois, et al. L’Institut de sociologie Solvay : Histoire, Architecture, Restauration. Bruxelles, Institut de sociologie de L’ULB, 1994.
- Pour en savoir plus sur l'histoire du développement de l'ULB avant la Première guerre :
Eugène Goblet d’Alviella, l’Université de Bruxelles pendant son troisième quart de siècle, Bruxelles, M.Weissenbruch, 1909.
Anne Van Haecht , L’enseignement rénové, de l’origine à l’éclipse. Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1985.
"Il faut noter à l’occasion d’une collaboration ponctuelle l’affinité de pensée théorique existant entre Decroly et Waxweiler, alors directeur de l’Institut de sociologie Solvay, qui donnait à cette institution une impulsion fonctionnaliste, nettement inspirée des théories organicistes. Profondément impressionné par les progrès des sciences biologiques, Waxweiler n’avait-il pas été amené à donner la définition suivanteà la sociologie : « La sociologie apparaît ainsi, par la force même des faits, comme étant la Science, on pourrait presque dire la physiologie, des phénomènes réactionnels dus aux excitations mutuelles des individus de même espèce sans distinction de sexe. » p.102.
Henri H. Frost, The Functionnal Sociology of Émile Waxweiler and the Institut de sociologie Solvay. Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1960.
Fernand Van Langenhoven, L'institut de Sociologie au temps de Waxweiler. Bruxelles, In- Revue de Institut de Sociologie, n°3, 1978.
Fernand Van Langenhoven, L'institut de Sociologie au temps de Waxweiler. Bruxelles, In- Revue de Institut de Sociologie, n°3, 1978.